Sur les douze documentaires en compétition pour le prix Terre d’histoire, dix ont pour sujet la guerre ou ses conséquences. Shoah, Afghanistan, Vietnam,… Les conflits passés sont très présents dans la sélection officielle avec une place prédominante de la Seconde guerre mondiale. Analyse d’un tel succès auprès des producteurs mais aussi du public.
La place d’un prix du documentaire d’Histoire dans un festival censé récompenser les films d’actualité peut paraître surprenante. Pourtant, le FIGRA accueille pour la 7e année consécutive le prix Terre d’Histoire récompensant « le travail d’un réalisateur qui entend partager sa passion de l’histoire, conscient de l’importance de la mémoire ». Conjuguer au présent des événements passés, la recette
fonctionne auprès du public, présent en nombre lors des projections et souvent passionné au moment des traditionnelles questions au réalisateur.
D’autant que, cette année, l’accent a été mis sur le documentaire historique de guerre. Sur le reportage « Afghanistan – 1979, la guerre qui a changé le monde »de Gulya Mirzoeva, un spectateur s’emporte sur le rôle des Etats-Unis dans l’enlisement du conflit pour avoir aidé les moujahidines à combattre les Russes. Un fils de résistant témoigne de son émotion après la projection de « La 2e DB, de Paris au refuge d’Hitler » de Philippe Touracheau sur l’avancée de l’armée du général Leclerc contre les Allemands en 1944.
Photo: La « 2e DB » entre dans Strasbourg le 23 novembre 1944.
Dramaturgie, survivants et anniversaire
Le même Philippe Touracheau met en avant la « dramaturgie » qu’offrent les guerres pour expliquer ce succès, et particulièrement les approches que permet la Seconde guerre mondiale. Guerre qui fascine et pour lesquelles on dispose encore de témoins. Une opinion que partage le président du jury de Terre d’Histoire, l’ancien journaliste et historien Pierre Abramovici, car « c’est notre dernière guerre. La France est bien sûr en guerre aujourd’hui dans des conflits méconnus car menés par des professionnels et loin du territoire. La dernière grande guerre dans laquelle les Français ont été impliqués c’est la guerre d’Algérie mais qui a été un tabou. Donc la vraie guerre qui a touché tout le monde c’est la Seconde guerre mondiale. »2015 célébrant les 70 ans de la capitulation du IIIe Reich allemand, les chaînes de télévision ont été très friandes de sujets autour de la Seconde guerre mondiale. La sélection traduit cet appétit mémoriel des chaînes de télévision qui sont à la base du financement des documentaires historiques. En tout, la Seconde guerre mondiale est représentée par cinq films sur les douze en compétition.
Ouverture des archives
De quoi éclipser des conflits plus méconnus ? Pour Pierre Abramovici ce n’est qu’une question de temps avant que ces derniers ne sortent de l’ombre. « La présence de films sur le second conflit mondial est surtout due à l’ouverture de nombreuses archives car celles-ci tombent dans le domaine public. » Selon le président du jury Terre d’histoire, surgiront dans les années à venir des sujets sur d’autres anciens conflits, bien moins médiatisés et connus du public, comme l’Indochine ou l’Algérie.
Or, comme l’explique Pierre Abramovici, « les chaînes de télévision exigent des témoins vivants pour rendre le sujet accessible au grand public ». Il y a donc urgence, car ces témoins vieillissent « comme pour la guerre de Corée (1950-1953), déplore Pierre Abramovici, qui a impliqué de nombreux Français, sans que personne ne le sache. »